samedi 13 décembre 2008

Promenons-nous à Wakan

Le temps est désormais très agréable et c'est la saison idéale pour marcher en montagne.
Pour cette mi-décembre, belle marche de 5 heures avec Olivier et Christian, qui nous a permis de grimper jusqu'au col de Wakan, dans le très beau cirque d'Hadash (parcours W25).


Départ du village de Wakan, village de campagne traditionnel perché au flanc des montagnes.
L'habitat y est plutôt rustique mais chacun a sa parabole, son 4x4 et son téléphone portable.
Et c'est là qu'on retrouve toujours les belles portes anciennes omanaises....
L'agriculture basée sur la technique des cultures en terrasse y est riche (riz, date, courgette, orange et même raisin). Étonnement, pour la première fois en Oman, nous retrouvons les couleurs d'automne le long du falaj.

Cheminement bien balisé qui permet de surplomber les villages
.... et de crapahuter tranquillement jusqu'au Col de Wakan sur fond de barrière du Vercors à l'omanaise. Noé y reconnaît les deux sœurs et le grand Veymond..... sans la neige pour ce début d'hiver.





JOYEUSES FETES A TOUS !!!

mercredi 10 décembre 2008

Le sacrifice de l'Eid El Adha


Il y a des jours, on s'en veut vraiment de ne pas se balader tel un touriste, avec son appareil photo en bandoulière, prêt à mettre en boite des scènes uniques et si particulières en Oman. Ce mardi 9 décembre était un de ceux-là. Grand jour de fête pour les musulmans puisque il s'agissait de célébrer le Grand Eid, la grande cérémonie du sacrifice.

L'explication de cette fête viendra de Romane au retour de l'école : « Au cours d'un rêve, Ibrahim accepte de tuer son fils Ismaël comme le lui commande Allah. Le lendemain, il se rend au sommet de la montagne pour accomplir sa mission. Mais au dernier moment, Allah envoie un mouton pour remplacer l'enfant comme offrande sacrificielle ». C'est donc en souvenir de cette soumission totale d'Ibrahim à Allah, que les familles musulmanes sacrifient ce jour là, un mouton, une chèvre ou une vache, en l'égorgeant, couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers la Mecque.

Comme pour toutes les fêtes religieuses musulmanes, la date officielle n'est fixée que la veille par les autorités religieuses. Mais si la date du grand sacrifice était encore incertaine quelques jours auparavant, on ne pouvait ignorer que Mascate s'était subitement transformée en une immense bergerie, retentissant de cris et de bêlements incessants.

Le jour J, le langoureux et lancinant appel à la prière de 5 heures du matin était chargé de tout un symbolisme. Après la longue prière de l'Eid qui a suivi, Mascate (comme tout le reste du pays et de la péninsule arabique) est alors devenue le théâtre d'une immense boucherie. Les couteaux, préalablement aiguisés ont tranchés têtes et pattes pour laisser s'écouler le sang le long des trottoirs et des maisons.


Nous étions dans notre lit et nous n'avions pas envie d'assister au carnage malgré l'appel insistant de l'imam qui nous tenait réveillé. Et nous n'avons quitté la maison que vers 10 heures pour éviter de nous retrouver confronter à un tel spectacle.

Pourtant, en déposant les filles chez une de leurs amies dans le quartier plus populaire d'Al Gubrah, Noé et moi avons été invités par des hommes, à rentrer dans la cour d'une maison omanaise.
Ici, à l'aube ce matin, c'est une vache qui fut le symbole du sacrifice à Allah. Et maintenant, il ne reste d'elle que d'immenses bassines pleine de viande, de graisse et d'os, où femmes et hommes en habits de fête colorés, assis à même le sol, s'acharnent à dépecer, couper, sectionner. Nous sommes accueillis par de chaleureux « salamaleikoums » et « Ahlan wa sahlane 1» et aussitôt, le chef de la maison remplit un grand sac plastique de morceaux de viande pour nous l'offrir. Les pieds baignant dans de visqueuses flaques de sang, le cœur au bord des lèvres, chavirés par l'odeur de chair fraiche, nous balbutions des «shoucran» et des « Eid mubarack », pendant que les femmes nous répètent « Halal, halal.... » avec des francs sourires de joie. La fête va être belle, c'est sûr.

Encore quelques pas à reculons pour franchir le seuil de la porte en évitant les flaques rouges et direction la plage en face de la maison pour chasser la nausée. Besoin de laisser l'air entrer à plein poumon....
Horreur ! La plage s'est transformée en un drôle de charnier qui expose au choix, peaux de vaches, têtes, queues, boyaux, viscères...... Des dizaines d'entrailles abandonnées aux mouettes. La marée monte et peu à peu les vagues avalent les traces du carnage. Des vaches entières se mettent à flotter ne laissant dépasser que leurs cornes.....
Vous reprendrez bien une merguez ? ou un boudin aux pommes ?


Et que diriez-vous d'une descente de lit en peau de vache ?



En rentrant à la maison, on aiguise à notre tour le couteau et on transforme notre cuisine en arrière salle de boucherie pour tenter de découper nos cadeaux de l'Eid El Adha.
Le dégout ne nous a pas quitté et Pierrot et moi, sommes obligés de nous relayer. Au repas, on tente avec difficulté d'avaler trois morceaux de viande et on n'a pas besoin de se parler avant d'aller jeter le tout à la poubelle : Et la tribu des Wadis, vous ne seriez pas en train de devenir végétarien

1Bienvenue

jeudi 4 décembre 2008

L'algue de la mort

Un mois déjà qu'elle a envahi les côtes autour de Mascate. Depuis, la mer est devenue toute noire, épaisse, inquiétante avec des reflets mordorés.

Le premier jour que nous sommes arrivés à notre « private creek » et que nous avons constaté les dégâts, c'était l'incompréhension totale. On a tout de suite vu qu'on ne pourrait plus se baigner et on a pensé à une marée noire. Sur le bord, des centaines de poissons échoués, les yeux exorbités, le corps gonflé. Nos poissons perroquets, nos murènes, nos petits poissons coffres.... ils étaient tous là, posés sur le sable, sans vie, sans couleur, la gueule ouverte, offerts aux oiseaux ou aux pêcheurs indiens qui se sont dépêchés de les ramasser. Quel désolation ! Et la colère est montée contre PDO (Pétrole Développement Oman). Pourtant, cette mer n'avait pas ni l'odeur, ni la texture d'une marée noire. Rien à voir avec du pétrole. Il fallait chercher ailleurs....
En interrogeant les locaux, on nous a parlé d'une invasion d''algues rouges, d'un phénomène naturel lié à la venue de l'hiver et du mélange des courants chauds et froids. « Cela arrive de temps à autres mais cela ne dure pas longtemps : une ou deux semaines maximum » nous a expliqué un omanais pour nous rassurer.

Et la morbidité des poissons ? « Ils meurent d'asphyxie car en proliférant anormalement, l'algue (ou phytoplancton) consomme tout l'oxygène disponible dans l'eau. Une fois morte, ces algues ont encore besoin de beaucoup d'oxygène pour leur décomposition. Cette oxygène soustrait à l'eau, entraine l'asphyxie des espèces végétales et animales. Ce phénomène s'appelle « eutrophisation » ou cancer de l'eau ».

C'est donc cela.... Nous n'avons plus qu'à attendre la fin du bloom de l'algue meurtrière pour reprendre nos plongées quotidiennes et retrouver cette vie sous-marine qui nous fait tant rêver.
Une semaine. Deux. Quatre....... l'eau est toujours aussi noire et visqueuse et peu à peu, une odeur de pourriture a envahie Mascate. Certains jours, cette odeur pestilentielle, mélange de décomposition de l'algue, de poissons pourris et d'égout nous prend subitement à la gorge. Elle s'insinue partout au cœur des maisons et remonte même par les conduits d'aération et circule à travers les réseaux pour toucher les quartiers les plus éloignés de Mascate. Puis la vague nauséabonde disparaît pour réapparaitre quelques heures plus tard.

Un mois déjà...... et à nouveau la colère et l'envie de comprendre. Le silence des autorités locales face au phénomène, le discours rassurant des clubs de plongées et des professionnels du tourisme, l'indifférence de tout le monde qui regarde cette marée rouge sans inquiétude.... Et puis, petit à petit, on commence à entendre des petites phrases du genre : « cela n'a jamais duré comme cela », « c'est vrai que c'est bizarre », « en plus, la mer est très chaude », « surtout que la marée rouge n'est qu'autour de Mascate».
L'inspecteur Nono et moi-même décidons de mener l'enquête. Recherche internet pour comprendre le phénomène d'efflorescence alguale, article de Greenpeace sur le sujet. On en retient surtout que tout développement anormale d'une algue trouve toujours son origine dans la pollution : eau des égouts ou engrais. Tu parles d'un phénomène naturel !!!
Aussitôt, on grimpe dans la Mister bean's car et on fonce vers la grande plage de sable qui borde toute la ville de Mascate. Et là, consternation : maintenant, les rouleaux de vagues noires s'écrasent sur une plage recouverte d'une mousse blanche.
Les rares touristes qui se promènent semblent désespérés. Mais où sont les plages paradisiaques que leur ont vendu les dépliants publicitaires ? Et toujours cette odeur pestilentielle !



Photos-témoignage et hop, on file à la « private creek ». On se campe sur notre rocher et on observe cette eau visqueuse et noire sans vie..... Depuis quelques semaines, plus aucun poisson n'est retrouvé échoué sur la plage. Soit la marée rouge a condamné toute vie sous marine et a transformé le récif corallien en zone morte, soit les poissons ont réussi à fuir plus au large....
La private creek avant.....


Et après l'invasion d'algues tueuses


Pendant près d'une heure, on scrute la surface de l'eau en ayant un petit espoir d'apercevoir nos anciennes copines de natation synchronisée : Hortence, Charlotte, Déborah, Mélusine et Mélodie, où êtes-vous ? Avez-vous survécu à l'algue tueuse ? Vous nous manquez.....

Et tout à coup, en contre jour face au coucher du soleil, on aperçoit une petite tête qui sort de l'eau puis qui disparaît à nouveau dans la noirceur......
Elles sont VIVANTES !!!!! Nos tortues ont RESISTE !!!! Avec Noé, on s'embrasse tellement on est heureux.... Nos tortues ont survécu parce qu'elles peuvent respirer à l'air libre. On crie leurs noms sous les regards étonnés des quelques omanaises en abaya qui se promènent sur la plage.


Serrés l'un contre l'autre face au jour qui décline, on regarde d'un regard complice ces petites boules qui émergent de temps en temps à la surface de l'eau comme pour nous saluer. On reconnaît la grosse Hortence.... Nous voilà rassurés sur un point. Désormais, on sait qu'avec elles, on pourra encore faire des arabesques sous marines. Pour les autres, on a beaucoup moins d'espoir....